
LA REVUE DE ST LOUIS
Notre cadre de santé, Mme LORMAND Marielle et moi-même, Anaëlle BERDAH (MERM[1] de médecine nucléaire) sommes parties deux jours en formation AFTMN [2] le jeudi 24 et vendredi 25 mars 2022 (samedi également pour notre cadre). Il s’agissait d’une formation très intéressante regroupant aussi bien la radioprotection que les nouveautés de la médecine nucléaire.
Je vais donc vous exposer les rubriques que nous avons étudiées.
Au commencement, nous avons eu quelques rappels sur la radiosensibilité et la radioprotection des patients.
N’oublions pas que nous travaillons avec les rayonnements et que nos patients les reçoivent, mais nous aussi ! Ceux-ci engendrent des effets, qu’ils soient cellulaires ou tissulaires. On les appelle les effets déterministes (obligatoires) et stochastiques (aléatoires).

Evidemment, des facteurs de comorbidité peuvent accentuer ces effets face aux rayonnements ionisants.
Les individus à risque sont :
- les populations pédiatriques (enfants et adolescents)
- Facteurs héréditaires (cancers)
Cette radiosensibilité et susceptibilité peut se mesurer avec des biomarqueurs (Test ADN, biopsie cutanée, Test RILA (apoptose lymphocytaire après prélèvements sanguin in vitro des lymphocytes T après irradiation), Test ATM-NS).
La radioprotection est un enjeu important lors de l’utilisation des rayonnements ionisants à visée diagnostique et thérapeutique. Il s’agit d’une vraie question de santé publique.
Nous avons continué en parlant de santé au travail. La loi du 2 août 2021 a été établie pour renforcer cette prévention de santé. Un document unique existe pour protéger les travailleurs. Il se trouve dans un répertoire et permet d’évaluer les risques et prévoit un plan d’actions correspondant au poste des travailleurs. Ce document est conservé 40 ans dans les archives et remis à jour. Il est tenu à la disposition de tous les travailleurs.
Le 1er octobre 2022, un passeport de prévention sera mis en place et un suivi individuel des travailleurs se fera en visioconférence pour un suivi post expositions des rayonnements ionisants.
Nous avons enchainé en discutant de l’enregistrement des événements indésirables. Notre service est conforme sur ce point car tout événement indésirable est déclaré et enregistré sur notre plateforme.
Voici à présent quelques rappels sur les trois principes de la radioprotection utilisant des termes spécifiques qui sont bien connus dans le domaine du nucléaire.
L’ASN[3] fait des visites dans les services (elle aura d’ailleurs lieu chez nous à la mi-juin 2022) et nous rappelle la gestion qualité sur les principes de justification, d’optimisation et de limitation des doses.
L’ASN attend une identification des risques à maitriser avec une cartographie des risques, mais aussi une habilitation des professionnels de santé. En médecine nucléaire à St Louis, l’habilitation en poste n’est effective que pour le laboratoire de préparation des produits radio pharmaceutiques. Il serait judicieux de la mettre en place pour le TEP et la Gamma caméra pour valider les acquis des MERM avec la mise en place de grilles d’autoévaluation ou d’entretiens voire de formation officielle par exemple. Notre diplôme nous permet évidemment d’exercer toutes nos fonctions, cela serait un plus !
L’après-midi, différents partenaires sont intervenus pour nous présenter différentes techniques, protocoles et nous donner plusieurs informations.
- APVL ingénierie, spécialistes français de la dosimétrie. Ils nous ont présenté des gammes d’appareil de radioprotection (radiomètre, Radiaeye B20 mesurant les champs X et gamma, des nouveaux contrôleurs mains pieds…). La vérification de la dosimétrie est constamment surveillée.
- Boston scientific nous a présenté les Thérasphères. Il s’agit une radiothérapie interne sélective pour traiter les tumeurs hépatiques. Un rayonnement interne létal endommagera l’ADN directement dans la tumeur. Le traitement est précédé d’une phase de pré-traitement, ou work-up. Il s’agit d’une simulation de thérapie pour repérer les vaisseaux à destination de la tumeur. L’injection de MMA Tc99m (180 MBq/10ml) se fait en radiologie interventionnelle, et l’imagerie consiste en une scintigraphie associée à une tomoscintigraphie couplée à la tomodensitométrie grâce à une gamma caméra. Celle-ci a pour but de visualiser un éventuel shunt pulmonaire et de vérifier la vascularisation de la tumeur. L’imagerie peut se faire maximum 2h après l’injection. Cette scintigraphie va également permettre, avec l’imagerie diagnostique, de réaliser la dosimétrie personnalisée du patient (tâche qui incombe au médecin nucléaire en partenariat avec le physicien médical et parfois le radiologue), c’est-à-dire de maximiser la dose absorbée à la tumeur tout en limitant la toxicité sur le parenchyme sain.
Pour le traitement lui-même, une fiole de 1 ml contenant des microsphères composées de verres et d’Y90 (3à 20 GBq) est injectée par la même voie que lors du work-up. Cela permettra de traiter les CHC, et les métastases du cancer colo rectal.
- General Electric nous a présenté par la suite un nouveau traceur appelé Estrotep (fluoroestradiol ou FES) permettant de visualiser les lésions exprimant les récepteurs hormonaux dans les cancers du sein. Ces tumeurs peuvent être hormonosensibles et exprimer des récepteurs aux œstrogènes.
Le fluoroestradiol est injecté en intra veineux, 2 à 4 MBq/kg injecté sur le bras controlatéral au cancer. Le produit est rincé au sérum physiologique. Le patient attend 1h (sauf aux USA 20 min) puis les images sont acquises en TEP TDM.
Le TEP FES caractérise les lésions et peut mettre en évidence une atteinte ganglionnaire lymphatique ou des métastases à distance.
- C’est au tour de CURIUM et la FET Iasoglio (fluoroethyl-L tyrosine). Il est utilisé pour caractériser les lésions cérébrales. Il guide les biopsies. La concentration est de 2 GBq/ml. L’activité habituellement recommandée pour un adulte est comprise entre 180 et 250 MBq (selon le poids du patient, le type de caméra utilisée pour obtenir les images et selon le mode d’acquisition). Il permet de mieux délimiter les tumeurs (type gliome). Cela permet de donner de l’aide à la planification des champs de radiothérapie. Il permet également de faire le diagnostic différentiel entre récidive de la tumeur et la radionécrose. L’acquisition est dynamique et/ou statique et dure 40/50 min. La fixation est comparable à celle de la C11 Méthionine.
Par la suite, nous avons assisté à des interventions très intéressantes et pour le moins innovantes :
– TEP TDM pulmonaire : Galligas et macro agrégats d’albumine humaine marqué au Gallium 68. Il s’agit d’un équivalent en TEP de la scintigraphie pulmonaire, permettant de bénéficier des avantages potentiels de la TEP (sensibilité, quantification). Il permettrait, comme la scintigraphie pulmonaire, de diagnostiquer l’embolie pulmonaire.
– Puis, deux jeunes femmes (MERM) nous ont présenté la TEP IRM dans des indications oncologiques pour limiter la dose. Elles ont donné l’exemple des femmes enceintes atteintes de cancer du sein, avec une estimation de la dose au fœtus de l’ordre de 1 à 3 mGy, ainsi que celui de la TEP IRM pour les lymphomes, notamment de Hodgkin (population pédiatrique/jeune).
– Au niveau des innovations de la TEP, il s’agit surtout de TEP cardiaque.
Pour la TEP cardiaque au FDG : cet examen est indiqué dans le cas de pathologies vasculaires, de sarcoïdose, d’endocardites, de vascularites.
Les patients doivent être préparés pour cet examen : nous devons supprimer la fixation cardiaque physiologique du FDG en demandant au patient de faire un régime sans hydrates de carbones (sucre, féculents la veille). Ils doivent privilégier pour leurs trois repas précédents de la viande/poissons/œufs. Un suivi d’un jeune prolongé (de 12h) est recommandé. Le jeûne glucidique prolongé permet un switch métabolique des cardiomyocytes qui, au lieu d’utiliser des glucides, utilisent des lipides, permettant ainsi de supprimer la fixation cardiaque physiologique du FDG pour pouvoir voir les foyers pathologiques potentiels.
Si le patient a un pacemaker, il faut injecter le FDG de façon controlatérale au boîtier.
Pour la TEP cardiaque de perfusion (équivalent TEP de la scintigraphie myocardique de perfusion), il existe plusieurs traceurs, utilisables en TEP CT ou TEP IRM :
*Pour faire une quantification de la réserve coronaire, on utilise du Rubidium 82 avec un générateur automatique (portatif et relié au patient en intraveineux) (à renouveler toutes les 6 semaines, mais le coût est de 50 000 euros !). Le patient est injecté et on fait des images dynamiques.
*Découvrons un autre traceur toujours pour le TEP cardiaque de perfusion : le flurpiridaz marqué au Fluor. Ce traceur serait moins gêné par la fixation digestive, qui est moins visible.
– Les étudiants ont vendredi après-midi pris la parole et nous ont parlé de sujets très intéressants.

Le premier sujet relatait une location de TEP TDM [4]mobile (dans un camion) en Normandie, précisément à Rouen. Le service a renouvelé leur TEP et avait une forte demande d’examens. Pour éviter d’annuler des patients, ils ont loué un camion avec tous les dispositifs de médecine nucléaire (hotte haute énergie, brancards…) En revanche, cela n’était absolument pas facile de tout optimiser. Néanmoins, ils ont pu conserver leur activité.
Comme leur machine était un peu ancienne, ils ont augmenté la dose à 4MBq/kg pour augmenter la résolution spatiale et avoir des images de qualité. Le prix est de l’ordre de 70 000 à 130 000 euros par mois de location. Ce fut pour eux une expérience très enrichissante et cela a permis de les sortir de leur routine.
– La dernière intervention parlait du PSMA pour les cancers de la prostate.
Le 68Ga-PSMA est généralement beaucoup plus sensible que la 18F-Choline, et il prend de plus en plus d’ampleur, que ce soit pour le bilan des récidives biologiques occultes, ou pour le bilan pré-thérapeutique avant traitement par PSMA marqué au 177Lu.
-Nous avons parlé avec beaucoup de commerciaux sur les différents stands et expositions et nous avons découvert la nouvelle hotte Basse Energie « Sysark » qui « remplacera » le MERM du labo chaud petit à petit. Cette hotte prépare les élutions, mais aussi les médicaments radio pharmaceutiques (MRP) de manière automatique. C’est dommage de perdre le charme du labo chaud pour la préparation des MRP, néanmoins cette hotte sera commercialisée au mois de mai dans un site privé et coûte 180 000 euros pour information. Gardons notre hotte, elle est très bien !
Nous avons passé deux agréables journées et avons beaucoup appris.
Pour conclure, la médecine nucléaire est en expansion fulgurante, des nouveaux traceurs, logiciels et technologies sont de plus en plus performants. Nous espérons continuer d’évoluer dans notre service sur cette voie.
Merci d’avoir pris le temps lire ce bref résumé, en espérant que cela vous a été utile.
Anaëlle BERDAH, MERM Médecine Nucléaire de St Louis
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[1] MERM : Manipulateur en électroradiologie médicale
[2] AFTMN : Association française des techniciens de médecine nucléaire
[3] ASN : Autorité de sureté nucléaire
[4] TEP TDM : Tomographie par émission de positon en tomodensitométrie (scanner)